L'Argentine est
indépendante depuis 1810. Se sont
succédé plusieurs guerres civiles, finalement
gagnées par l'oligarchie portègne
(c'est-à-dire de Buenos Aires) réunie sous la
bannière des
« centralistes », vainqueurs des
« fédéralistes »,
partisans d'une Argentine des provinces. À partir de 1870,
pour accroître sa puissance économique, le pays a
recours à l'immigration et ce, jusque dans les
années 1920.
Sur les rives du Rio de la Plata
accostent des millions d'émigrants venant du monde
entier : des Italiens (Sicile, Piémont), des
Basques, des Allemands, des juifs est-européens, etc. Ils
s'installent dans les conventillos, ces taudis qui
se répandent en lisière des grandes villes
portuaires d'Argentine et d'Uruguay. À Buenos Aires, ils y
retrouvent des migrants de l'intérieur : paysans
d'origine espagnole de la Pampa, où s'est
développée une culture criolla,
Amérindiens ayant survécus aux carnages et
anciens esclaves africains des pays voisins.
Une naissance obscure.
C'est vers 1880 que l'on s'accorde à situer la naissance du
tango. On discute encore beaucoup afin de savoir de quoi il se
constitue. Comme on n'a pas de sources écrites ou sonores,
on échafaude des théories plus ou moins
crédibles. Ce qui est certain, c'est ce que le tango est le
produit de la culture du peuple très
mélangé des taudis des villes portuaires de
Buenos Aires, Rosario et Montevideo. Eh oui, même la ville
natale du tango est inconnue ! Cela dit, c'est dans la
capitale argentine qu'il s'est particulièrement
développé. Réunis par leur
misère, on peut imaginer gueux locaux et
émigrés se réchauffant mutuellement
autour d'un feu de bois ou d'un poêle et se chantant les uns
aux autres des airs de leur pays d'origine.
Une musique composite.
Ce n'est pas parce que les origines du tango sont incertaines que l'on
ne peut rien en dire. On y trouve du candombe des
anciens esclaves africains, de la milonga des campagnes argentines, de
la habanera afro-cubaine
héritée de la contredanse française
devenue contredanza en Espagne, de la valse
allemande - appelée vals dans
ce coin du monde - et des traces d'autres folklores
européens, d'Italie, notamment. Les formations
instrumentales du tango primitif se constitue d'instruments populaires
et mobiles : cordes (violon, guitare) et vents (flûtes,
clarinettes, tubas, trompettes). Très vite, les tambours
africains ont disparu.
Le mot
« tango » est
lui-même d'origine indéterminée. Toutes
sortes d'hypothèses ont été
avancées, des plus raisonnables aux plus folles. Il peut
faire référence aux percussions se nomment tangos
et au nom du lieu où les anciens esclaves se
réunissaient. Le terme
« tango » est
également le nom d'une figure du flamenco, danse fort
appréciée en Amérique latine. On a
aussi évoqué la possibilité que l'on
ait repris le nom d'une fête rituelle japonaise ou celui de
la région indochinoise de Tang-Ho. Pourquoi pas, quand on
sait que des émigrés d'Extrême-Orient
se sont installés en Amérique du Sud. Mais
enfin… Explications plus simples : tango signifie
aussi « je touche » ou
« je palpe » en espagnol, tandis
que le verbe français
« tanguer » correspond bien aux
mouvements de la danse portègne.
Une enfance passée dans les rues,
les bals populaires et les « hôtels
français »,
c'est-à-dire les bordels. Au début du XXe
siècle, le tango est devenu la musique des classes les plus
pauvres. Dans les lupanars, il sert à chauffer les visiteurs
qui attendent de monter en galante compagnie. En
général, l'établissement est
doté d'un patio où se produisent les musiciens
pendant des heures, ce qui leur donne le temps de peaufiner leur style.
Là se trouve un piano, instrument qui va remplacer la
guitare dans les trios tango. Bien avant que des poètes
posent leurs vers sur la musique langoureuse, certains chanteurs de
hasard donnent de la voix en beuglant ou en susurrant des mots de
circonstance…
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